Avec Etienne Bouquet, 
c'était vraiment bonnard !

Le blog de Rugby Flouze - ce livre en devenir au nom du passé - sort de son estivation. Fin août, comme au bon vieux temps du challenge Béguère et de la coupe de l'Espérance, quelques semaines seulement avant le début d'un championnat dont les trois coups résonnaient à peu près au même moment que l'ouverture de la chasse. Il arrivait d'ailleurs que quelques éléments de l'équipe "fanion" déclarent forfait, préférant le fusil à l'ovale, surtout si ce premier match conduisait à Graulhet, Lavelanet ou Le Creusot. Cela comblait évidemment de joie l'entraîneur, à moins qu'il fût (de canon) lui aussi chasseur.
Et parlant de chasse - je sais, ce n'est pas très correct, que les anti-spécistes me pardonnent - j'étais il y a quelques jours - le 14 août précisément - à Collobrières. Ce n'est pas que j'apprécie beaucoup la fréquentation du Var à cette époque, mais en échange de la présence de vos petits-enfants, vous affrontez sans barguigner les flammes de l'enfer. Je n'avais pas pris beaucoup d'engagements s'agissant de la diffusion de Rugby Flouze, mais je m'étais promis de l'apporter en main propre à Etienne Bouquet, comme je le fis à André Larrue ainsi qu'une poignée d'amis qui le méritent.
Pourquoi Etienne Bouquet me demanderez-vous fort à propos ? Pour des raisons pratiques hélas puisqu'avec sa compagne Nicole, le couple ne se déplace plus guère et que les librairies ne pullulent pas dans le secteur. Mais surtout parce que cet homme-là compta parmi ceux qui m'ont embelli le rugby et considérablement facilité la tâche. Avec son ami André Véran, il était le chef de bande des "bonnards". Un truc, vous pourrez chercher aussi loin que vous pourrez, que l'on ne retrouve nulle part ailleurs dans le vocabulaire et surtout les pratiques rugbystiques.
Les souvenirs que j'ai de cette équipe de Hyérois accédant au toit du championnat de France, ne sont faits que de gentillesse, d'humour. De rudesse certes, de débordements parfois mais jamais en dehors du périmètre où tous les coups n'étaient pas permis, mais où la comédie frisait parfois la tragédie. Gentillesse et humour. Je ne sais si vous aurez eu la chance à la fin de votre vie professionnelle de réaliser que vous avez énormément ri et partagé de belles et fortes émotions et si c'est le cas, je suis comblé de vous savoir heureux.
Ces années de rigolade et d'insouciance, je les ai certes payées par la suite. Rien n'est idéal, rien n'est définitif, mais ce qui est pris n'est plus à prendre. Ni à rendre. Ni à oublier. Il me faudra ensuite attendre de croiser Patrick Rouard, Gilles Panzani, Gilbert Doucet pour revivre ces partages de générosité, d'amitiés viriles, de grand laisser-aller affectif. Bref c'est une poignée de personnages atypiques qui m'aidèrent à me passer - sans jamais l'oublier - de mon cher Sporting Club Graulhétois durant cette longue fin de siècle. Laquelle coïncidant aussi avec la fin du rugby. Enfin le mien, le nôtre...
37 ° à l'ombre du platane de la place de la République. Etienne et Nicole nous attendent. Attablés à la Petite Fontaine. C'est là, il y a trente-cinq ans, que le couple prit en charge un petit restaurant familial repère des chasseurs -encore eux ! - et des épicuriens. Lui en salle, calepin et bouteille de rosé, elle dans l'étroite cuisine dont elle sortira des plats d'anthologie. Et une réputation européenne. Au moins !
Etienne Bouquet magnifique troisième 
ligne, ici au temps du Valence Sportif
Je n'en dis pas plus. D'ici quelques jours et dans le deuxième blog de la famille - Macronique - que certains connaissent, qu'ils fréquentent même, j'évoquerai l'histoire de ce lieu mythique attirant à lui les gens épris de générosité authentique et de constance.
Il me fut particulièrement doux et fort à la fois de lui tendre ce bouquin écrit avec le coeur et la rage de la nostalgie. Car Etienne, le survivant d'une lignée d'amis disparus en fut en partie, l'inspirateur. Je vous donne à lire l'un des extraits où j'évoque ce troisième ligne centre d'origine catalane, formé non loin de l'Océan au CA Bèglais, consacré à Valence et finissant en beauté à La Seyne puis Hyères. Un parcours qui ne pouvait s'achever que sous les lampions d'une belle plage méditerranéenne, puis d'une place au soleil provençal...



Extrait de Rugby Flouze

"On ne prenait pas un pélot, on n'était payés qu'en pastèques"

Je me souviens aussi de ma première soirée hyéroise quelques semaines auparavant. Un accueil surréaliste.
— Tu viens de Grolé toi ?
Un nounours moustachu d’un mètre quatre-vingt-huit et cent kilos m’avait pris par l’épaule. Un verre de rosé à la main, il évoqua un match épique quand il débutait avec le Valence Sportif au stade de Crins, où durant ma prime jeunesse, je devais être bien calé derrière la main courante :
—  Il y avait Abadie, Pech et Puig, Larrue – tiens, il est de ta famille lui ? – et Villeneuve, Lamazouade, Andoque et Cussac… 
En fait, c’est toute l’équipe qu’il m’énuméra et si nous n’étions pas d’accord sur tous les postes, je n’en revenais pas que ce mastodonte à l’accent varois connaisse ainsi tant de Graulhétois, en ne les ayant rencontrés que deux fois. Et il aurait pu pareillement m’égrener les joueurs d’autres clubs, si j’étais venu de Brive ou de Narbonne par exemple.
Ça c’étaient des voyages qu’on redoutait, me confiait-il, mais enfin c’était formateur et ça nous restait jusqu’à la fin de la carrière. On ne prenait pas un pélot, on n’était payés qu’en pastèques et à Graulhet la distribution était généreuse…
Ce langage fleuri, cette empathie fulgurante, cette mémoire saisissante appartenaient à Étienne Bouquet, le directeur sportif du Rugby Club Hyérois. Il composait là un trio convivial et néanmoins fort compétent, avec André Véran, l’entraîneur des avants, l’âme hyéroise aussi et Edmond Jorda, chargé des trois-quarts et largement évoqué plus haut. Étienne, un rude parmi les braves qui avait purgé quelques suspensions, mais ne s’était jamais rendu coupable d’ingratitude lorsqu’il fallait donner de sa personne.
Au bar des Deux Gares, où un collègue m’avait lâché afin de m’imprégner seul des réalités du terrain, j’étais d’abord tombé sur Tchoi Valmalette. Il affichait, comme Jean-François Davide à La Valette et tant d'autres en terres ovales, une vraie gueule de rugby. De celles qui arrêtaient pieds, poings et fronts rageurs. D’où évidemment quelques stigmates, balafres sur les différentes composantes du visage, parfois reconstitué à la va-vite sur le bord du terrain, par un soigneur improvisé, juste après la bataille, petite main de haute couture et chirurgien de campagne. C’est que Hyères dans le Sud-Est, l’Isère, la Drôme et le Vaucluse notamment, ne laissait pas indifférent et pour obtenir quatre montées consécutives en quatre ans, avait su se faire respecter sur des terres fertiles en marronniers.


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