Ceux de Graulhet

Nous sommes des ouvriers, des paysans ! Les enfants de la Commune et de Jaurès. Rebelles et vaillants. Nous n'avons jamais refusé notre part de labeur. Ni de labours... On n'a pas grand chose pour vivre. Et qu'est-ce que l'on vit bien! Je veux dire heureux. Beaucoup d'entre nous ne connaissent pas la mer. Ni la montagne. Mais Graulhet n'est pas une morne plaine. Passé les corps d'usine qui s'agrippent au Dadou et leurs cheminées de briques rouges, un charmant pays de coteaux et vallons s'harmonise entre bois fertiles en cèpes et girolles et champs cultivés de blé, maïs, pâturages où paissent de bonnes vaches laitières et des moutons lainiers. Et je crois bien que c'est le plus beau coin du Tarn.
Lavilliers le chantait au nom de Saint-Etienne : "on n'est pas d'un pays, mais on est d'une ville". Ici, plongeant dans les cuves, malaxant de lourdes peaux encore brutes, Espagnols, Italiens, Maghrébins, Portugais s'unissent dans l'effort malgré le désamour. Et le rugby. Il y a eu Katouh, Mira, Aznar. Un pilier de devoir et de savoir aussi, dont le frère est depuis peu le maire de Graulhet.
Sans cette manière si particulière d'honorer à la fois le travail jusqu'au dernier instant, le devoir jusqu'au sacrifice, il n'y aurait sans doute jamais eu ce club redouté, qui étonnait et que bon an, mal an on finissait par respecter. Car depuis Quillan il n'y en avait jamais eu des "chefs lieux de canton" comme l'avait un jour titré l'Équipe, capable de se hisser quatre fois en demi-finale du championnat et l'on ne compte plus les huitièmes et les quarts.
Ici, je me dois de rendre hommage à l'autre classe sociale, celle qui tout en faisant tourner la machine faisait bouillir la marmite. Graulhet, c'était cent quinze mégisseries (fabrication du cuir) et plus de deux cents maroquineries (transformation du cuir). Et la toute puissante chambre syndicale des patrons alimenta le club qui lors des meilleures décennies dépassait largement ses rivaux régionaux Castres et Toulouse en tête. Seuls sur une durée de trente ans (entre 1960 et 1990) Agen, Lourdes et Béziers firent mieux !
C'est alors que déferlèrent les valises de flouze et ce rugby de paillettes et de graines. Les joueurs sortirent des usines, des bureaux, des campagnes pour entrer dans les camps d'entraînement ou avec force musculation et alimentation adaptée, ils doublèrent de volume. Mais pas de valeurs. En tout cas pas des miennes.
Mon pays c'est le rugby et c'est le cuir. Après 35 ans dans le Var où j'ai bien vécu de Hyères à Toulon et les prochaines années en Aubrac où je vais mourir, je n'ai jamais cessé d'être abondé de mes racines. De pépé Jules le combattant, petit trois quart aile dont les frères s'illustrèrent entre les deux guerres, de mon père Michel qui, faute d'avoir su convaincre maman de me laisser vivre ma vie de rugbyman, me trimballa sur les routes joyeuses, balisées de rouge et de noir, de clairons, grosses caisses, d'espoirs souvent déçus, d'émotions jamais égalées. En 1957, André Larrue pleurait. Je n'étais pas né. En 1966, puis 1967, je pleurais. André Larrue bien plus encore qui atteignait le crépuscule de sa carrière. En 1986 je pleurais encore. Cette fois pour mes copains. Laporte et Revailler les stars du moment. Mes camarades de l'école Victor-Hugo : Balayé, Durand, Gonthier, Icart, Montels. Les autres, Sanz, Salsé, Marty, Abadie, Gauthier, Spanghero et j'en oublie sûrement. Auriol et Bellot aussi, ces entraîneurs opiniâtres et rusés pourtant bien moins médiatisés que ne le sont Mola ou Urios...
Quatre demi-finales et jamais le Graal, le bout de bois à la fois symbole et gratification logique d'une constance doublée d'excellence. Tant pis, Graulhet s'inscrirait dans la légende des grands clubs de rugby qui ne furent jamais sacrés en compagnie de Dax, Brive et plus récemment la Rochelle, notamment. A supposer que le rugby et sport ne retrouveront jamais leur fonction première d'exercice physique, de loisir et de saine compétition, il ne s'agirait plus que de vieilles histoires.
Elles sont si belles que Rugby Flouze s'est proposé de vous les faire découvrir. Sans oublier de dresser un bilan bien moins enthousiaste de ce qu'il est devenu.


FAITES SUIVRE ET CONNAÎTRE

Comme prévu et non sans laisser encore à certains de mes confrères la possibilité de faire leur travail avec objectivité si ce n'est complicité, les retombées médiatiques de Rugby Flouze sont très inférieures à ce que j'étais en droit d'attendre. A titre personnel je m'en fous totalement. Financièrement c'est bête pour ceux que j'avais décidé d'aider en reversant mes droits d'auteur. Mais c'est surtout préjudiciable à la mémoire du rugby.
Ceci étant nous ne sommes qu'en première mi-temps. Je propose à tous mes lecteurs de faire circuler cette chronique et la vidéo qui l'accompagne. J'aimerais notamment que les anciens joueurs, je pense à Pierre Albaladejo, Walter Spanghero, Guy et Lilian Camberabero, Herrero, Blanco, et De Grégorio, mais aussi ceux dont les noms ne se terminent pas par O, puissent connaître l'existence de ce livre. Libre à eux ensuite de l'acquérir. Je rappelle qu'il peut être commandé dans toutes les librairies de France et par mail (le port est gratuit). Je compte sur vous pour diffuser ce message à tous vos contacts et à travers vos résos. Merci pour la mémoire du rugby.
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Ne manquez pas la vidéo d'André Larrue

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