A son fils Enzo, à tous les siens


Yves Diaz, ce héros de l'ombre



Il était encore tôt - enfin pour moi - lorsque ta détresse me tira de cette insouciance matinale. " Il m'a laissé, mon papa..." Quelle que soit la distance entre les êtres, ce sont les déchirements dont on est long à se remettre. Je n'étais pas un intime de celui avec lequel tu ne faisais quasiment qu'un, Yves ton père. Et pourtant dès notre première rencontre, oh ! il y a une bonne trentaine sont beau sourire moustachu, entendu, sa douce mansuétude m'avait immédiatement séduit. Et je me suis convaincu d'ailleurs, en connaissant mieux Yves, son frère Manu, le major de la mêlée française et toi son petit Enzo, tant choyé puis admiré, que les Diaz de Toulon étaient des gens bien.
Anciens juniors du RCT évidemment ! puis du Pont du Las et de La Garde, il fut au début des années quatre-vingts l'un des grand dirigeants de la reconquête Rouge et Noir. Dans la garde rapprochée de Daniel Herrero, dont il avait su gagner la confiance en même temps que l'amitié, puis aux côtés d'un autre monstre sacré de la rade, Jérôme Gallion.
C'est dans la galerie marchande de Grand Var que je fis sa connaissance, présenté par Jean-Michel Martinetti, notre ami commun. J'ai donc croisé ce regard solaire et indulgent avec une joie d'autant plus grande que, comme tu le sais, mes relations au RCT s'avéraient compliquées et qu'il serait pour moi un élément sécurisant. Nous en badinerons souvent ensemble, au téléphone puis par mail. Te l'ai-je dit, nous avions passé une bonne partie de l'après-midi à vous regarder jouer sur le terrain annexe du Pyanet, un jour de Tournoi de minots ? Toi avec Toulon et mon petit Jean-Baptiste avec La Valette. Il te trouvait un peu emprunté, enfin altruiste, c'était le cas aussi du mien. On ne s'en plaignait pas. Yves se battait - je l'apprenais-là - contre une sclérose en plaque virulente. Je comprenais mieux les difficultés de sa marche. Il devait en souffrir, s'en inquiéter. Il ne me parla que de toi et des autres !
Il n'empêche que ta carrière de rugby et c'est évidemment ce qui nous rapproche tant, c'est en tant que journaliste que tu l'entameras. Brillamment, si j'en juge par le peu que j'aie lu de toi dans Midi-Olympique. Et sans y être pour rien, je suis tout de même heureux de t'avoir accueilli durant ta semaine d'observation à Var Matin en 2002, où nous fîmes mieux connaissance. Depuis quelques années tu t'accrochais à Toulouse dans l'espoir de décrocher un CDI de titulaire. Tu le valait bien, Enzo, crois-le ! Mais tu sais, cela fait plus de quarante ans que je sais qu'au Midol, ils n'y comprennent rien ! Bon il y a un peu de dépit de ma part, je le concède. Et puis qu'importe à cette heure ?
Je savais qu'il était bigrement fier, Yves du rebond ovale de son amour de reporter. Nous en avions parlé, il y a sûrement cinq ans déjà au Comité Côte d'Azur de rugby où je coopérais et dont il fut aussi, un moment, dirigeant.
Hier, tu m'appelais pour parler de tes projets, ton avenir, ta décision de quitter Toulouse - tant pis pour eux ! - et de rentrer au port. Ensemble nous avions parcouru quelques pistes, posé des jalons, anticipé des rencontres. Mais pour ta maman, c'était bien que tu viennes reconstituer le nid. Car tu me disais aussi et surtout que ton papa venait d'être opéré d'un cancer et que ce n'était pas gagné. Un mauvais, bien crochu, bien teigneux. Je te sentais inquiet, mais l'opération s'était bien passée. Interminable, mais satisfaisante d'après la faculté...
"Je perds mon héros, mon modèle, ma référence..." Le téléphone me fait mal. Ce matin, j'écoute ta douleur. La mienne n'est rien en regard, mais elle me dévaste. On se doit tous à la mort. C'est convenu. Mais il y a un temps pour tout. Yves avait 72 ans, des projets et un Enzo à voir écrire, se marier, pouponner. Vivre. Il le méritait. Mieux que personne.
Enzo, mon jeune ami, compte sur mon affection. Embrasse Eliane, ta maman. Tes deux demi-frères David et Emmanuel. Et moi j'envoie une baffe amicale à son frère, Manu. J'ai toujours rêvé d'emplâtrer un pilier !
Non, je n'ai pas le coeur à déconner, sauf quand je pense que Yves aurait ri avec moi...


Le jeune Enzo, en stage découverte à la rédaction des sports de Var Matin

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